La wahkotowin et le sac à feu métis
By: ArtBank / 08 août 2025La Banque d’art a récemment fait l’acquisition de six œuvres d’art réalisées par des artistes autochtones des quatre coins du Canada, qui soulignent la riche histoire, l’importance culturelle et l’évolution continue du perlage. Ces œuvres seront progressivement installées dans des lieux de travail et des espaces publics. Parmi les acquisitions récentes, mentionnons Prairie Love Song (2024), un sac à feu par l’artiste métisse Haley Bassett. Cette œuvre fait partie de l’exposition Fibres résistantes, qui est en cours à Âjagemô, l’espace d’exposition du Conseil des arts du Canada.
L’histoire du sac à feu
Les sacs à feu sont des objets traditionnels métis, jadis utilisés pour transporter des matériaux servant à allumer un feu, comme du silex et du petit bois. On pouvait aussi s'en servir pour transporter sa pipe et son tabac, ou des munitions. Traditionnellement, les femmes confectionnaient ces sacs pour leur époux ou d’autres hommes de leur famille.
À l’instar de la Nation métisse, les sacs à feu sont le fruit de la rencontre entre des influences européennes et autochtones, et de l’émergence graduelle d’une identité métisse distincte. Ces sacs uniques à huit pattes ont pour ancêtres des sacs anishinaabe fabriqués à partir de petits mammifères, dont les pattes et la queue étaient ornées de motifs élaborés en piquants de porc-épic. Environ à la même époque où des articles comme le drap et les perles de verre ont commencé à faire l’objet d’échanges sur l’Île de la Tortue, le peuple métis se formait en tant que culture et Nation distincte.
Les femmes métisses ont commencé à remplacer les fourrures par des morceaux de tissus et à combiner le perlage floral aux piquants de porc-épic et ont ajouté quatre pattes à leurs créations. Et c’est ainsi que le sac à feu a vu le jour. Les sacs à feu étaient des objets d’échange très prisés et largement adoptés par de nombreuses Premières Nations s’étendant jusqu’à la côte Ouest, où on leur a donné le nom de sacs « diable de mer » ou « pieuvre ». Les motifs floraux uniques perlés par les Métisses ont voyagé avec les sacs à feu, permettant au perlage floral de se populariser sur toute l’Île de la Tortue.
Raconter des histoires grâce au perlage
Selon l’Aînée métisse Maria Campbell, les femmes métisses « utilisaient le perlage, la broderie et la récolte de baies pour tisser la wahkotowin et les histoires de notre peuple ». L’Aînée décrit la wahkohtowin comme « un mot dans ma langue […] qui décrit la parenté, les relations et la famille, dans le sens large de la famille humaine. À une certaine époque, ce mot désignait l’ensemble de la création. Selon nos enseignements, l’ensemble de la création est relié à chaque chose qui la compose, et toutes ces choses sont elles-mêmes interreliées ».
La wahkotowin, un concept cri-métis, est souvent représentée dans des motifs floraux perlés, symétriques et interreliés. L’Aînée métisse Rose Richardson donne des précisions sur la signification du perlage floral : « Pendant que nos ancêtres récoltaient et utilisaient les plantes, elles se racontaient des histoires. Puis, à l’hiver, elles relataient ces histoires en cousant et en perlant des pictogrammes et des motifs sur des vestes et d’autres vêtements. Notre literie et nos articles ménagers racontaient notre spiritualité ainsi que notre respect et notre compréhension des signatures d’un pouvoir divin. »
Les sacs à feu permettaient aux ancêtres métisses et métis de transporter les moyens de se réchauffer ou de s’armer, ainsi que les remèdes qui les soutenaient spirituellement. Ils étaient essentiels à la subsistance et à la survie de la Nation. Comme beaucoup de traditions autochtones, ces sacs font leur réapparition après des générations de répression.
Prairie Love Song (2024), par Haley Bassett. Les photos de l’œuvre en cours sont publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste. Photo de l’œuvre : Brandon Clarida Image Services
Une histoire d’amour
« Prairie Love Song est une histoire d’amour, une conquête rendue possible grâce au territoire. Mon partenaire est un chanteur d’opéra talentueux et, maintenant, une source d’inspiration. Cette œuvre raconte l’histoire de notre premier été ensemble à travers les rosiers sauvages, les amélanchiers à feuilles d’aulne, les campanules à fleurs rondes, les saules de Wolf et les fraises.
Nous sommes deux artistes de différentes origines : un descendant de colons, une Métisse. Prairie Love Song célèbre les principes communs de nos formes d’art : l’équilibre, le mouvement, le rythme, la lumière et la noirceur. Ces motifs représentent l’équilibre entre le masculin et le féminin, alors que les bourgeons, les fleurs et les baies représentent les saisons qui changent et le passage du temps. »
– Haley Bassett

Vue de l’exposition Fibres résistantes à Âjagemô présentant Prairie Love Song (2024) de Haley Bassett
Visitez Fibres résistantes et joignez-vous à nous cet automne
Prairie Love Song (2024) fait partie de l’exposition Fibres résistantes, en vedette à l’Espace d’exposition Âjagemô jusqu’au 19 mai 2026. Saisissez l’occasion de voir cette œuvre en personne. Apprenez-en plus sur le perlage ou venez partager vos connaissances à la prochaine séance de création libre Sesabίnsan & Kegόn / De fil en aiguille, qui aura lieu à Âjagemô le 24 septembre 2025.
À propos de l’artiste: Haley Bassett
Haley Bassett est une artiste interdisciplinaire de la Nation métisse de la rivière Rouge et de descendance coloniale. Elle est originaire du territoire couvert par le Traité no 8, qui est la patrie métisse, également connu sous le nom de région de la rivière de la Paix de la Colombie-Britannique. Elle est une citoyenne enregistrée de la Métis Nation British Columbia. Dans le cadre de sa pratique visuelle, elle intègre des matériaux naturels récoltés localement et des objets trouvés, et utilise diverses formes d’art, y compris la peinture, la sculpture, l’installation, le perlage et les arts textiles.
Sources
Barkwell, Lawrence. Characteristics of Metis Beadwork. Metis Museum. Louis Riel Institute. Consulté le 10 avril 2024. https://www.metismuseum.ca/media/document.php/13489.Characteristics%20of%20Metis%20Beadwork.pdf.
Metis Octopus Bags. Metismuseum.ca. Metis Museum. Consulté le 10 avril 2024. https://www.metismuseum.ca/media/db/11910.
Barkwell, Lawrence, Leah Dorion, et Anne Carrière-Acco. Women of the Métis Nation. Métis Museum. Saskatoon, Saskatchewan: Gabriel Dumont Institute Press, 2019. https://www.metismuseum.ca/media/document.php/149695.Women%20of%20the%20Metis%20Nation%20-%20Maria%20Campbell%20Foreword.pdf.
Belcourt, Christi, Rita Flamand, Olive Whitford, Laura Burnouf, Rose Richardson, et Gabriel Dumont. Medicines to Help Us : Traditional Métis Plant Use : Study Prints & Resource Guide. Saskatoon: Gabriel Dumont Institute, 2007.
Campbell, Maria. We Need to Return to the Principles of Wahkotowin – Maria Campbell (2007). M. Gouldhawke, 5 novembre 2019. https://mgouldhawke.wordpress.com/2019/11/05/we-need-to-return-to-the-principles-of-wahkotowin-maria-campbell-2007/.
Teillet, Jean. The North-West Is Our Mother. HarperCollins, 2019.
Van Kampen, Ukjese. Origins of Yukon First Nations Beading Styles: Searching Floral Patterns from 1500s France to 1800s Yukon. 2022. https://lauda.ulapland.fi/bitstream/10024/64982/1/Van%20Kampen_Ukjese.pdf.