La symphonie de la Terre
By: ArtBank / 10 septembre 2024Edward Poitras, 1885 (1993). Photo : Brandon Clarida Image Services
Quand vous entendez parler de changements climatiques, faites-vous partie de ces personnes qui décrochent ou, à l’instar de bon nombre de jeunes, de celles qui se rendent compte de l’incidence directe des changements climatiques? En avez-vous assez de ce sentiment d’impuissance? Que diriez-vous de raccrocher le wagon?
Le Centre national des Arts (CNA) ouvre sa saison 2024-2025 en septembre avec le festival multidisciplinaire SPHÈRE 2024, qui explore l’incidence de la présence humaine sur le monde naturel, l’eau en particulier, par l’entremise de performances, de conférences et d’œuvres d’art visuel. En profondeur : réflexions sur le chagrin et la crise climatique est une exposition gratuite organisée par Amy Abraham qui présente une sélection d’œuvres de la collection de la Banque d’art. Au travers des créations d’Edward Poitras, Norval Morrisseau, Katherine Knight, Sandra Meigs, Bill Vazan, Susan Bustin et Pudlo Pudlat, l’exposition considère les changements climatiques comme un symptôme de la relation tant symbiotique que toxique entre l’humanité et la Terre mère.
Amy Abraham nous explique sa sélection d’œuvres et la place que tient l’art, selon elle, dans le débat sur les changements climatiques.
Comment vous est venue l’idée de créer une exposition sur le deuil climatique, du point de vue de la jeune génération?
L’exposition s’inscrit dans le cadre du festival SPHÈRE 2024 du Centre national des Arts qui s’intéresse aux changements climatiques et à l’eau. En explorant la collection du Conseil des arts du Canada, j’ai réfléchi à l’eau comme source de vie, mais aussi aux vies que l’eau peut emporter, que ce soit par les violentes inondations ou le manque d’accès à de l’eau potable. Je me suis renseignée davantage et je me suis sentie d’une part frustrée par les politiciennes et politiciens qui mettent en œuvre des soi-disant « initiatives vertes » tout en continuant à soutenir les pipelines qui polluent la Terre mère et, d’autre part, pleine d’espoir grâce aux scientifiques, aux militantes et militants et aux organisations locales qui ne cessent de mener des initiatives et d’œuvrer pour la sensibilisation. Cette exposition est née de ces deux émotions, la frustration et l’espoir, qui, je crois, sont partagées par toutes et tous, mais plus particulièrement par la génération Z. C’est souvent la frustration qui l’emporte et qui mène au chagrin, à la dépression et à l’apathie climatique. Je voulais qu’au lieu de fuir ces émotions, cette exposition les incarne et favorise un dialogue intergénérationnel avec la Terre mère.
En quoi cette exposition contribue-t-elle au débat sur les changements climatiques? Quelle place accordez-vous à l’art de manière plus générale dans ce contexte?
Je voulais brosser un portrait fidèle des émotions et du désespoir ressentis par les jeunes générations, mais je pense que les mouvements militant contre les changements climatiques doivent favoriser une collaboration plus intergénérationnelle. L’exposition En profondeur permet de rappeler que les changements climatiques nous touchent toutes et tous, que l’on nie leur existence ou que l’on se batte pour la planète. Il était essentiel pour moi de mettre au centre de l’exposition les œuvres d'artistes autochtones et de femmes artistes, si souvent ignorés et victimes de discrimination dans les espaces artistiques et scientifiques. À travers le temps et l’espace, l’art a servi de puissant moteur de changement social, permettant aux artistes d’exprimer leur chagrin et d’encourager les autres à agir.
Norval Morrisseau, The Silver Curse (1966-68)
Sandra Meigs, Mary take the child; the river’s rising. Muddy water changing all I know. (1993)
Y a-t-il une œuvre d’art en particulier qui incarne les principaux thèmes de l’exposition?
The Silver Curse de Norval Morrisseau est une œuvre d’encre sur papier qui sert de mise en garde pour nous toutes et tous. Elle représente la légende de Nanna Bijou, l’esprit des eaux profondes qui confie aux Ojibwés l’emplacement de la plus riche mine d’argent du Nord. Mais lorsque ce secret est révélé à des intrus, Nanna Bijou est transformé en pierre, en géant endormi (Sleeping Giant). Les images et les motifs puissants nous rappellent les conséquences de la destruction de la Terre mère. L’œuvre de Sandra Meigs, intitulée Mary take the child; the river’s rising. Muddy water changing all I know, est une peinture percutante. Elle explore la perte et les effets de la montée des eaux, et illustre un paysage dont Sandra Meigs a observé la transformation progressive due aux changements climatiques. Ces deux œuvres contribuent au débat sur les changements climatiques et représentent des thèmes centraux de l’exposition.
Participer à l’événement
En profondeur : réflexions sur le chagrin et la crise climatique est ouverte tous les jours du 7 au 25 septembre 2024 au Foyer du canal du CNA. Vous pouvez aussi vous inscrire à une visite pédestre qui se tiendra le 12 septembre et sera animée par Jaime Morse et Pinock Smith. Les commissaires qui souhaitent emprunter des œuvres dans le cadre du programme de prêt de la Banque d’art peuvent s’adresser à l’équipe de la Banque d’art.
À propos de la commissaire: Amy Abraham
Amy Abraham est une commissaire et historienne émergente. Titulaire d’un baccalauréat de l’Université Queen’s en histoire et histoire de l’art, elle a à cœur de mettre en avant les voix sous-représentées. Avec En profondeur : réflexions sur le chagrin et la crise climatique, elle nous offre sa première exposition qui, grâce aux recherches, aux lectures et aux conversations nécessaires à sa préparation, lui a permis de sortir de son apathie climatique. Elle espère qu’il en sera de même pour vous.