Exprimer le pluralisme à travers l’art : une conversation avec Meredith Preston McGhie
By: ArtBank / 22 avril 2022Le siège social du Centre mondial du pluralisme (CMP) à Ottawa est un monument national qui renfermait autrefois les Archives publiques du Canada et le Musée canadien de la guerre. Aujourd’hui, après de grandes rénovations, ses pièces lumineuses et ses hauts plafonds offrent un décor saisissant à de nombreuses œuvres artistiques choisies pour mettre valeur les qualités inhérentes au pluralisme.
Cette année, le Centre a collaboré avec la Banque d’art du Conseil des arts du Canada pour mettre à jour sa sélection d’œuvres d’art. Pour découvrir ces nouveautés, nous avons discuté avec Meredith Preston McGhie, secrétaire générale du CMP, qui a travaillé dans certaines des régions les plus instables du monde à titre de négociatrice, de médiatrice et de diplomate.
Meredith Preston McGhie, dans les bureaux du Centre mondial du pluralisme
Le contenu de cette entrevue a été condensé.
Q. Pouvez-vous décrire le processus du choix de ces œuvres? Que recherchiez-vous?
R. [N]ous voulons que la diversité, le pluralisme et l’identité soient représentés pour la totalité des expériences vécues dans ce lieu que nous appelons le Canada.
Les œuvres devaient également cadrer avec le nouveau visage du bâtiment. [Le personnel de la Banque d’art] y a fait très attention. Il s’est d’ailleurs montré très innovant dans sa recherche d’une série d’œuvres autochtones qui non seulement représentaient la diversité des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada, mais montraient également diverses formes d’expression artistique.
Andrew Lyght, Universal Picture No. 3 (1972), œuvre installée au Centre mondial du pluralisme (photo : Brandon Clarida)
Q. L’œuvre Universal Picture No. 3 d’Andrew Lyght est le point focal du troisième étage. Pourquoi l’avoir choisie?
R. Lorsque cette œuvre est arrivée et a été dévoilée, j’ai poussé une exclamation. Elle est si saisissante qu’elle transforme réellement l’espace.
J’aime les œuvres non figuratives, parce que les gens peuvent les aborder sous une multitude d’angles différents. Dans ce Lyght, le cercle au centre fait penser à un globe et aux rouages d’un mécanisme, et ça me fait réfléchir au fonctionnement de nos sociétés. Certaines personnes disent : « On dirait un cadran solaire. » D’autres y voient des longitudes et des latitudes et pensent à leur place dans le monde, d’où l’on vient et où l’on va.
Rita Letendre, Blues II (1971) (photo : Brandon Clarida)
Q. Rita Letendre a été reconnue sur la scène mondiale grâce à son association au mouvement des Automatistes. Comment son œuvre Blues II incarne-t-elle votre mandat?
R. Je trouve que les couleurs utilisées dans cette œuvre évoquent le Nord. Elles rappellent les aurores boréales; c’est comme une fantaisie abstraite et plus grande que nature de cette terre qu’est le Canada. J’ai toujours été fascinée par cette artiste, en tant que femme dans ce mouvement. Je suis fascinée par sa détermination à présenter son travail pour ce qu’il est et non pour son identité à elle.
Dans une perspective pluraliste, il n’est pas nécessaire que toutes les œuvres représentent quelque chose de difficile qui force à réagir. Si une œuvre vous fait ressentir quelque chose, alors elle vous relie à l’humanité et favorise le dialogue avec l’autre.
Dana Claxton, Headdress (2016) (photo : Brandon Clarida)
Q. Qu’est-ce que Headdress de Dana Claxton – une œuvre exposée dans un caisson à diode lumineuse – apporte à la conversation sur le pluralisme?
R. [C]’est une forme d’expression très moderne. Et pourtant, le sujet est aussi très traditionnel vu l’utilisation du perlage.
[Dans une conversation récente], Dana Claxton nous a rappelé que la Loi sur les Indiens avait interdit le port des costumes traditionnels. En réalité, [c’était] perçu comme quelque chose de dangereux. C’est un rappel du pouvoir qui réside dans l’expression culturelle.
Si je ne m’abuse, ces perles tirées de la collection personnelle de Claxton viennent de communautés de toute l’île de la Tortue. J’aime le fait que cette œuvre représente également la diversité d’expression entre les différentes communautés. Claxton nous rappelle l’importance des vêtements traditionnels dans la culture et nous fait réfléchir à l’appropriation culturelle et à l’identité. J’espère que cette œuvre poussera les gens à s’arrêter un moment et à s’interroger quand ils entreront dans le bâtiment.
Q. Pourquoi l’art est-il important pour véhiculer l’histoire du pluralisme?
R. Je suis convaincue que le lieu où se déroule un dialogue participe en fait au dialogue ou à la conversation. La vue d’une œuvre […] lance la discussion sur les perspectives sans forcer les choses, contrairement à d’autres approches. C’est une voie d’entrée indirecte.
J’aimerais que les gens, lorsqu’ils attendent le début d’une réunion, regardent ces œuvres et se demandent ce qu’elles représentent […], pourquoi elles leur inspirent de la nervosité, de la tristesse, de la curiosité ou de l’inconfort. Je pense que toutes ces choses sont positives et qu’il est utile pour les gens de situer leurs émotions par rapport à l’art.
Je suis également convaincue que l’art est pour tout le monde. L’art est beau, formidable, amusant. Il ne devrait pas se trouver seulement dans les musées ou les galeries, mais aussi dans les bureaux, les écoles… Partout!
À propos de l'auteure: Mary O'Neill
Établie à Ottawa, Mary O’Neill est rédactrice et réviseure. Forte de son expérience en publication de matériel éducatif et en communication stratégique, elle travaille maintenant largement auprès d’organisations qui œuvrent dans le développement durable et l’inclusion sociale.