Un tableau de la Banque d’art fait le tour du monde au gré d’une carrière remarquable
By: ArtBank / 12 novembre 2020Tout au long de sa carrière dans la fonction publique du Canada, Jonathan Fried a occupé plusieurs postes prestigieux, aux quatre coins du monde. Et partout où il allait, le tableau Man III de Marielouise Kreyes, qui fait partie de la collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, l’accompagnait.
Marielouise Kreyes est née à Lobberich, en Allemagne, en 1925. En 1951, elle et son mari se sont installés à Winnipeg, où elle a étudié à l’École des beaux-arts de l’Université du Manitoba. Bien qu’elle ait touché à d’autres styles et techniques, elle a finalement trouvé sa voie dans l’acrylique et le style réaliste, dont Man III est un bon exemple. Fortement influencée par Alex Colville, l’œuvre de Marielouise Kreyes porte un regard intime sur la vie quotidienne, avec un niveau de détail incroyable, des définitions tranchées et des points de vue objectifs.
Marielouise Kreyes, Man III (1973)
Après avoir loué Man III à la Banque d’art pendant vingt ans, Jonathan Fried prend sa retraite, ce qui veut dire que le tableau redeviendra disponible pour ceux et celles qui voudraient se le procurer par l’entremise du programme de location d’œuvres d’art.
Nous avons réalisé une entrevue avec Jonathan Fried pour en savoir plus sur sa relation avec cette œuvre bien spéciale.
Comment avez-vous découvert le programme de location de la Banque d’art?
Jonathan Fried : les fonctionnaires sont entourés d’œuvres de la Banque d’art dans plusieurs édifices, bureaux et salles de conférence. Ainsi, j’ai pu voir des œuvres de la collection dans ces aires de travail dès le début de ma carrière.
Évidemment, quand j’ai eu l’occasion d’installer une œuvre dans mon propre bureau, on m’a d’abord offert ce qu’il y avait déjà aux alentours. Mais après avoir posé quelques questions, j’ai découvert que je pouvais visiter l’entrepôt de la Banque d’art, que je pouvais le parcourir à ma guise afin de faire mon propre choix. Quand j’y étais, j’ai non seulement vu les œuvres qui étaient affichées, mais aussi celles qui étaient entreposées sur les rayons. J’ai passé, je dirais, plusieurs heures à regarder toutes les œuvres disponibles précieusement gardées sur le boulevard Saint-Laurent.
Aviez-vous déjà vu des œuvres de Marielouise Kreyes auparavant? Qu’est-ce qui vous a attiré dans Man III?
Non, je ne la connaissais pas auparavant. J’ai trouvé cette œuvre tout à fait saisissante et provocatrice, ou plutôt, stimulante, et elle a résonné en moi. Je n’ai jamais étudié l’histoire de l’art. J’apprécie tout, des grands maîtres néerlandais à Jackson Pollock, en passant par tout ce qui s’est fait dans l’intervalle. Cela dit, j’ai effectivement un faible pour l’école réaliste du XXe siècle. Je me suis dit : « Voilà quelque chose de spécial, et je pense que ça me conviendrait bien ».
Vous aviez déjà un intérêt pour les œuvres de style réaliste, alors?
Eh bien, oui, j’imagine! J’ai déjà eu une affiche d’une peinture que j’avais fait laminer et encadrer pour le bureau, beaucoup plus tôt dans ma carrière, qui ressemblait un peu à Man III. Nostalgique. Ambigu. Un portrait d’une personne seule. Ce tableau d’Edward Hopper s’intitulait Office in a Small City.
Quel impact l’œuvre a-t-elle eu sur vous et vos collègues, une fois installée?
Bien sûr, une fois installée, elle m’a inspiré. Mais elle a aussi suscité des réactions de tous ceux qui venaient me voir. En tant que psychologue amateur, ce qui me paraissait le plus intéressant, c’était de constater que si une personne était optimiste ou de bonne humeur, elle envisageait le personnage comme un « professionnel perdu dans ses pensées », un « docteur qui a terminé une chirurgie », ou encore un « avocat qui réfléchit à sa cause », ainsi de suite. De leur côté, les plus pessimistes disaient : « C’est un prisonnier. Il est enfermé et il a perdu sa liberté ». Le tableau génère toutes sortes de réactions intéressantes de la part des observateurs.
Depuis plus de 20 ans, Man III vous suit de bureau en bureau, partout dans le monde. Avez-vous observé des différences culturelles quant à la façon d’aborder l’œuvre de Marielouise Kreyes?
À un certain égard, oui. Quand je travaillais à l’autre bout du monde, au Japon, par exemple, les interprétations variaient. De plus, j’ai découvert que les gens voulaient en savoir plus sur l’artiste et son œuvre, et sur l’art canadien en général. Tout le monde semblait étonné par la façon dont Kreyes intitulait ses œuvres.
Comment avez-vous fait pour en savoir plus sur l’artiste?
Un jour, j’ai téléphoné à la Banque d’art et j’ai dit : « Vous savez, ce tableau m’est très cher. Et Marielouise Kreyes est vraiment une artiste spéciale. Sauriez-vous où je pourrais en savoir plus? » C’était à l’époque des fiches, avant que tout soit informatisé, alors il n’y avait pas grand-chose pour moi, sauf le nom d’une petite galerie d’art de Winnipeg, à laquelle j’ai écrit. On m’a alors informé que l’artiste était décédée, mais on m’a gentiment fourni l’adresse de son veuf. Je lui ai écrit, pour lui dire à quel point cette œuvre de son épouse était importante pour moi, et pour ceux et celles qui avaient eu la chance de la voir, et je lui ai demandé s’il pouvait m’aider à trouver d’autres de ses œuvres que je pourrais éventuellement me procurer.
A-t-il répondu à votre demande?
Heureusement pour moi, oui. Il m’a dit qu’il se sentait heureux, et il était ravi de connaître tous les endroits où l’œuvre de son épouse s’était trouvée. Puis, il m’a dit : « Si cela vous intéresse, j’ai quatre de ses peintures au sous-sol. Elles sont toutes encadrées. Je suis prêt à vous les vendre et à vous les envoyer. » Il m’a envoyé des transparents 35 mm et j’ai alors décidé d’acheter deux des œuvres de Marielouise Kreyes pour moi-même : Girl at the Amusement Park et celle qu’on appelle Great Lake. Depuis, elles sont devenues partie intégrante de ma demeure et de mon bureau. D’ailleurs, Great Lake, avec ses couleurs et sa taille, est un complément idéal à Man III, de l’autre côté de la pièce.
Marielouise Kreyes, Girl at the Amusement Park
Marielouise Kreyes, Great Lake
J’imagine que la décision de renouveler votre contrat pour Man III auprès de la Banque d’art est devenue de plus en plus facile, après votre acquisition d’autres œuvres de Marielouise Kreyes.
Oui, en effet. La toile continuait de m’inspirer, sur le plan personnel et professionnel. Elle est devenue mon amie.
Vous avez passé beaucoup de temps avec cette œuvre. Va-t-elle vous manquer?
Énormément.
Si vous voulez en savoir plus sur le programme de location de la Banque d’art, et si vous voulez qu’une œuvre de la collection devienne une partie importante de votre vie, vous pouvez vous informer sur le processus en lisant ceci : Programme de location d'art
Vous pouvez aussi communiquer avec nous directement : bda@conseildesarts.ca
À propos de l'auteure: Eleanore Mackie
Eleanore Mackie est une ancienne stagiaire de Jeunesse Canada au travail qui a travaillé à la Banque d’art durant l’été 2019 en partenariat avec l'Inuit Art Foundation. Titulaire d'une maîtrise en histoire de l’art de l’Université Queen’s, elle a à cœur la création de contenus numériques accessibles, inclusifs et amusants pour les organismes artistiques.